Lettre d’information n° 20 – octobre 2016
L’ASIE
L’Asie avec près de 4 milliards d’habitants comprend 55 % de la population mondiale. Sa contribution au PIB mondial n’est encore que de 32 %, cependant ce pourcentage augmente de façon continue. Cette vaste zone, qui va de Kaboul au Japon, et dans laquelle certains incluent le Pacifique Sud, est hétérogène, mais sa caractéristique commune est d’être en forte expansion et en pleine mutation. Elle comprend de grands groupes de plus en plus actifs sur le plan mondial, ainsi que d’importants centres de recherche.
Mais l’Asie est aussi une région comportant des risques sérieux de conflits. Ce sont la Corée du Nord et sa politique provocatrice, l’Inde et le Pakistan avec notamment le problème du Cachemire, le concurrence entre l’Inde et la Chine, l’antagonisme entre le Japon et la Chine, les difficultés entre le Vietnam et cette dernière, la Mer de Chine au Sud et les tensions avec les pays de l’ASEAN. Si l’Asie comprend le plus grand nombre de musulmans, l’islamisme radical n’y est pas en général aussi actif qu’au Moyen-Orient.
Acteurs majeurs de la sécurité dans la zone Asie/Pacifique depuis la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont en outre engagé le rééquilibrage de leur politique extérieure vers cette zone. Ils viennent de signer un Traité transpacifique avec Singapour, le Vietnam, le Japon, la Malaisie et Brunei.
Mais dans le même temps, pour freiner l’influence croissante de la Chine dans le monde, les Etats-Unis, suivis par l’Europe et fâcheusement par la France, tardent à reconnaître à l’Asie la place qui, eu égard à son importance nouvelle, devrait être la sienne dans les instances internationales. Le Japon est le seul membre asiatique du G7. La Chine et l’Inde ne sont toujours pas membres de l’OCDE. Des progrès ont été faits au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale pour leur donner davantage de place, mais cela a été fait de manière très insuffisante. Il s’agit là une attitude générale inopportune des pays occidentaux en ce qu’elle écarte de la gouvernance mondiale les grandes puissances émergentes d’Asie. Au demeurant et en partie pour cette raison, la Chine a créé l’an dernier à Shanghai la Banque des BRICS (Brésil/Russie/Inde et Afrique du Sud) et à Pékin la Banque Asiatique d’Investissements pour les infrastructures destinée à financer celles-ci pour les nouvelles « Routes de la Soie » (concept assez flou, largement laissé à la discrétion de la Chine).
La France et l’Asie
La France a des relations commerciales et des intérêts économiques, parfois importants, avec un grand nombre de pays d’Asie. Elle entretient, au titre d’un « partenariat stratégique » des dialogues bilatéraux politico-militaires avec l’Inde, Singapour, la Corée du Sud, le Japon et la Chine, plus récemment avec l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et la Mongolie.
Pour sa part, l’Union européenne a signé des Accords de partenariat et de libre-échange avec la Corée du sud, Singapour et le Vietnam. Les négociations sont avancées avec la Malaisie mais piétinent avec l’Inde.
La France n’est guère présente dans les Organisations et les réunions internationales en Asie. Certes le Président HOLLANDE y a fait plusieurs visites, mais, d’une manière générale, la France est peu audible dans les réunions multilatérales, comme celles de l’ASEM (Sommets Europe-Asie auxquels Madame MERKEL participe régulièrement) ou l’ASEAN Regional Forum (Réunion informelle des Chefs d’Etat ou de Gouvernement des dix pays de l’ASEAN avec la Chine, le Japon et la Corée du sud, qui invitent les « Partenaires du Dialogue », USA, Russie, Union Européenne, Australie et Nouvelle-Zélande). Le Président OBAMA a assisté au dernier Forum de Vientiane. Le Ministre français de la Défense est bien accueilli lorsqu’il participe au « Shangri-La Dialogue » à Singapour.
La France a des rapports bilatéraux avec la Chine, l’Inde, le Japon, le Vietnam, etc., mais la somme de ces rapports ne constitue pas une politique d’ensemble. Elle se veut une puissance mondiale, elle n’a pas de politique asiatique. Son influence fléchit continûment tandis que l’importance de l’Asie ne cesse de croître.
Sans doute sur le plan politique, les pays asiatiques n’attendent-ils guère de la France. Comment en irait-il autrement quand elle-même renonce à y jouer un rôle ? La reconnaissance de la Chine par la France en 1966 a eu une portée politique. En 1982, le Président MITTERRAND a engagé un dialogue politique avec le Japon –guère poursuivi depuis lors-. La Conférence du Cambodge de 1993 a démontré que la France peut jouer un rôle. Le discours du Général de GAULLE à Phnom Penh en 1966 en a montré la voie.
L’Asie représente 20 % de nos implantations dans le monde avec une concentration sur le Japon, Singapour, Hong Kong et l’Australie. Mais nos relations économiques avec les pays d’Asie sont très en-deçà de celles d’autres pays européens, comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
Nous souhaitons développer nos rapports avec la Chine. Mais nous restons partagés entre la nécessité souvent de nous associer à des Chinois, que ce soit chez elle ou en Europe, et la peur de devoir leur abandonner trop de nos techniques ou d’accueillir trop de leurs produits et de leurs investissements.
D’autre part nos relations économiques avec les autres pays de la Région ne sont pas ce qu’elles devraient être. Il y a un rééquilibrage à faire en leur faveur, notamment le Japon, l’Inde et les pays de l’ASEAN –ces derniers appelant d’ailleurs à tous points de vue une attention particulière-.
Il faut qu’un plus grand nombre d’entreprises françaises, en particulier des entreprises moyennes, viennent en Asie. Il n’y a pas que les grands groupes à devoir s’y intéresser. Il importe d’innover dans les méthodes et les cadres de coopération. Il est souhaitable également de changer de comportement : trop souvent les hommes politiques et les chefs d’entreprise français ne font qu’un passage dans un pays d’Asie, alors que leurs homologues européens y font de véritables séjours.
Nous avons eu naguère une grande influence en Asie sur les plans culturel et scientifique. Sans doute restons-nous présents sur ce terrain au Vietnam et au Cambodge. Mais c’est au Japon, en Inde, en Chine, etc. qu’il nous faudrait aussi mener une action vigoureuse –pour laquelle il conviendra désormais de savoir pleinement jouer du numérique-. Nous avons d’autre part en France un certain nombre d’étudiants originaires d’Asie. Il y a 30 000 Chinois, mais beaucoup moins d’Indiens et les Vietnamiens ne sont que 6 000.
Une politique asiatique de la France renforcerait ses positions dans tous les domaines à l’égard de chacun des pays d’Asie. Celle-ci pour la France n’est plus au XXIème siècle le bout du monde. Nous devons lui donner dans notre politique extérieure et nos actions internationales une place comparable à celle des autres grandes régions du monde.