Lettre d’information n° 29 – novembre 2017

Contrairement aux Lettres d’Information précédentes, la présente Lettre ne formule pas d’avis ou de recommandations. Elle a pour objet de présenter un certain nombre d’observations autour de la culture et de la religion dans les relations internationales.

1/ La mondialisation, produit de l’accélération du progrès technique, se manifeste essentiellement sur le terrain économique et à travers les progrès du libre échange. Elle à pour envers une balkanisation politico-culturelle, entraînant un décalage croissant entre les frontières étatiques et les frontières ethno-confessionnelles. Roosevelt prophétisait en 1939 qu’avec la télévision le monde ne serait plus « qu’une seule patrie ». Or il y a aujourd’hui plus de deux cents Etats, avec en majorité une culture en propre. On ne saurait dont parler de « Global Village » et définir seulement en conséquence une politique internationale.

2/ D’aucuns considèrent que l’archaïsme est anachronique, que les temps à venir vont effacer les temps anciens. La culture ne serait que la superstructure, le supplément d’âme.

Au contraire, la culture fait largement partie du substratum de toute nation et a précédé sa formation. Le présent ne peut se considérer dans le déni de ce substratum. Les couches les plus primitives sont souvent les plus solides.

3/ On connaît le mot prêté à Malraux : « le vingt et unième siècle sera religieux ». Le réveil des religions se vérifie en contrepoint de l’effondrement de l’Etat social. Lorsqu’une religion vient combler un espace vide, elle n’est plus assujettie à la nation, elle la transcende. Mais à se vouloir universelle, elle n’est pas mondiale. Il n’y a pas de mondialisation religieuse.

4/ Une civilisation est une force proactive, une culture une force défensive ou réactive.

L’Islam a connu une grande civilisation entre le 9e et le 12e siècle, aujourd’hui il existe seulement une culture islamique. « L’Islam qui se réveille » n’est pas un pôle en dehors de son champ propre. Il peut poser un problème à l’intérieur d’un pays, mais il n’est pas en tant que tel susceptible d’altérer d’autres assises culturelles et religieuses que les siennes.

5/ Les rapports internationaux ne peuvent pas être considérés dans l’oubli de la dimension culturelle. Celle-ci tend à prendre une importance croissante par rapport à toutes autres en même temps qu’un Etat décline. La romanisation du bassin méditerranéen commence avec le déclin de l’empire romain, et plus récemment la culture autrichienne ne fut jamais aussi brillante qu’à la veille de l’effondrement de l’empire austro-hongrois.

La puissance des Etats-Unis n’est plus aussi dominante, mais leur culture, sous ses formes les plus diverses, n’a jamais été aussi répandue. Il y a sur la scène internationale une multiplicité d’acteurs et d’intervenants. Mais seuls les Etats-Unis constituent un pôle faisant référence en dehors de leur champ par ce qu’ils impulsent et imprègnent. On ne saurait de ce point de vue parler d’un monde multipolaire. Si puissante qu’elle devienne et si riche soit sa culture, la Chine par exemple n’influence pas le reste du monde.

6/ Les politiques internationales sont parasitées par les cultures internes. Celles-ci brouillent la perception que l’on peut avoir du dehors. En retard sur la réalité d’un monde divers et changeant, elles en faussent l’image.

L’opinion commande la politique, avec ses représentations subjectives, dont les médias envahissants aggravent l’aspect émotionnel, ne présentant jamais les évènements que dans leur instantanéité. Seuls sous la Ve République, quelques ministres des affaires étrangères ont su faire ce qu’il fallait plutôt que ce qui plairait.

7/ Il existe une idéologie de l’Europe, ce n’est pas une religion. Les « cultes » dominants sont devenus ceux de la concurrence et du capitalisme.

Jean Monnet a dit : « On aurait dû commencer par la culture ». On peut unifier un marché, instituer une monnaie, on n’instaure pas une culture par décret. Il faut du temps pour que se forme un imaginaire commun avant que l’on puisse parler de nation et de souveraineté européennes. La religion de la nation est en baisse, les Etats s’affaiblissent, alors on revient ici et là aux régions d’ancien régime.

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