Lettre d’information n° 31 – Janvier 2018
A/ Convictions convergentes de la majorité de l’opinion américaine et de Monsieur TRUMP.
- L’Amérique s’est beaucoup trop engagée à l’extérieur et elle doit donner désormais la priorité à l’action intérieure.
- Tandis que les Etats-Unis protégeaient leurs alliés avec un budget militaire considérable, ceux-ci, notamment l’Allemagne et le Japon, ont profité des économies qu’ils pouvaient ainsi réaliser sur leur propre effort de défense pour développer leur potentiel économique et devenir de redoutables concurrents de l’industrie américaine.
- Le libre échange est nocif. Il a eu des conséquences négatives sur le bien-être du peuple américain en détruisant de nombreux emplois qualifiés et en aboutissant à un déclassement de la classe moyenne dont les ouvriers constituent une composante importante aux Etats-Unis.
- L’ensemble des accords commerciaux signés par les Etats-Unis, en particulier l’entrée de la Chine à l’OMC et l’ALENA, sont condamnables.
Deux points doivent encore être notés pour ce qui concerne Monsieur TRUMP :
- une empathie constante pour l’Union Soviétique, puis la Russie ;
- la condamnation de l’intervention américaine en Irak.
B/ Monsieur Donald TRUMP.
Le comportement de Monsieur TRUMP est à la fois celui de l’homme d’affaires qu’il a été et celui du Président qu’il est devenu et qu’il entend rester.
1/ A partir de son expérience de business man :
- il pratique une négociation brutale, fondée sur le bluff et l’intimidation, demandant beaucoup trop pour obtenir finalement suffisamment ;
- il privilégie les Etats dans lesquels son groupe a eu ou a des intérêts économiques ;
- il a une sympathie naturelle pour les dirigeants ayant une mentalité d’autorité comme celle de CEO (Chief Executive Officer).
2/ En tant que Président :
- il entend ne pas être bridé par un Congrès, où le parti républicain est majoritaire, mais dont il n’est pas un affidé ;
- son obsession est d’être réélu. A cette fin, il veille à respecter les engagements pris pendant la campagne électorale et à rester toujours au contact de ses 35 % d’inconditionnels. Dénigrant les grands médias traditionnels, il communique directement avec sa base par ses tweets qui atteignent 44 millions d’abonnés.
D’une façon générale, bien que susceptible et impulsif, Monsieur TRUMP a un instinct profond de survie qui lui a toujours évité d’aller trop loin et permis de rebondir après chacune de ses faillites.
C/ L’entourage de Monsieur TRUMP.
Outre l’influence de sa famille, notamment de sa fille Ivanka et de son gendre Jared KUSHNER, Monsieur TRUMP subit une double influence, d’une part celle de Steve BANNON, d’autre part celle d’une partie de l’Establishment.
1/ BANNON est un intellectuel. Il a dirigé la campagne électorale de TRUMP, puis il a été ensuite un temps Conseiller stratégique à la Maison Blanche. Après qu’il a dû quitter ce poste, il dirige « Breitbart News » et son influence est aussi importante qu’auparavant –du moins jusqu’à ce début janvier 2018 où il publie un livre critique à l’égard du Président-.
Pour BANNON, l’Amérique doit faire face à trois dangers mortels :
- la dissolution morale due à l’érosion accélérée des valeurs religieuses et nationales traditionnelles au profit d’un progressisme cosmopolite, laxiste et destructeur de l’identité américaine ;
- la dissolution économique et sociale résultant du libre échange et d’une immigration destructive de la classe moyenne ;
- l’expansion de l’Islam, favorisée par une immigration qui tend déjà à submerger l’Europe et dont le terrorisme est un épiphénomène.
Devant cette situation, BANNON préconise :
- de transformer le parti républicain en mouvement nationaliste économique, allié s’il le faut à l’extrême droite raciste ;
- de s’appuyer sur des pays aux régimes autoritaires, tels la Russie poutinienne, comme piliers de la résistance contre la décadence morale et contre l’Islamisme.
2/ Sans souscrire à toutes les orientations de Monsieur TRUMP, une partie de l’Establishment traditionnel partage pleinement ses vues sur la nécessité de donner une priorité absolue à l’Amérique, sans plus l’ambition de promouvoir des valeurs à l’échelle mondiale, mais dans le respect des alliances traditionnelles quand elles sont conformes à l’intérêt américain.
C’est ainsi que trois généraux occupent respectivement les postes de secrétaire général de la Maison Blanche (John KELLY), de conseiller à la National Security (Herbert Raymond Mc MASTER) et de secrétaire à la Défense au Pentagone (Jim MATTIS).
D/ La nouvelle politique internationale des Etats-Unis.
Conforme aux convictions partagées de Monsieur TRUMP et de la majorité de l’opinion américaine, cette politique correspond aux engagements de sa campagne électorale, à des négociations « en force » dans le domaine économique et enfin à un certain nombre de positions plus spécialement propres à Monsieur TRUMP.
1/ Correspondent aux engagements de campagne, tout en évitant une escalade :
- la sortie de l’ALENA et aussi du TTP (Pacifique) non encore ratifié, mais avec ouverture pour une renégociation ;
- la sortie de l’accord de Paris sur le climat, sans toutefois entrer en campagne contre celui-ci ;
- le refus de valider le respect par l’Iran de l’accord nucléaire, mais sans décider le rétablissement des sanctions américaines, toute action en la matière étant renvoyée au Congrès ;
- la sortie de l’UNESCO ;
- la décision de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.
2/ La négociation par intimidation a abouti à deux séries de résultats :
- des Etats ayant des excédents commerciaux avec les Etats-Unis (Chine, Japon, Arabie Saoudite, etc.) ont commencé de les réduire par des commandes d’armement, tandis que leurs entreprises étaient incitées à acheter américains ;
- stigmatisés par Monsieur TRUMP pour la faiblesse de leur contribution à l’OTAN, vingt deux des vingt neuf membres de l’Organisation ont annoncé l’augmentation de leur budget militaire.
3/ Les positions correspondant à des facteurs personnels de Monsieur TRUMP :
3.1/ au Moyen-Orient :
- un soutien résolu aux Kurdes leur permettant de jouer un rôle majeur contre Daesh avant de les abandonner totalement ou partiellement sous la pression de Bagdad et d’Ankara ;
- une incertitude persistante sur l’avenir de l’Irak et de la Syrie ;
- un soutien inconditionnel à l’Arabie Saoudite, à Israël et à leur alliance anti-iranienne.
3.2/ En Asie, à la fois la poursuite d’une stratégie d’endiguement de l’expansionnisme chinois en Mer de Chine et une politique de compétition/coopération avec Pékin.
3.3/ Des relations apaisées avec l’Europe, mais de façon générale un éloignement de celle-ci, sauf sur le terrain commercial dans le souci de rééquilibrer les échanges, notamment avec l’Allemagne.
Monsieur TRUMP a connu des échecs avec la Corée du Nord où ses rodomontades sont restées sans effet, ainsi qu’en Afghanistan où les Américains ne peuvent ni imposer militairement un compromis aux Talibans, ni se retirer. D’autre part le désir d’une concertation étroite avec POUTINE a échoué. Les enquêtes sur une ingérence russe dans les élections présidentielles n’ont fait que compliquer les choses. A noter enfin la quasi inexistence d’une politique américaine en Afrique.
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En conclusion :
Monsieur TRUMP et sa politique ne sont pas des épiphénomènes. Leurs orientations traduisent une évolution d’une partie importante l’opinion américaine qui peut être durable.
L’Amérique reste la puissance dominante, mais elle donne désormais priorité absolue à ses intérêts. Elle ne prétend plus à un rôle ni de missionnaire, ni de gendarme, à l’échelle du monde.
Cette situation entièrement nouvelle fait obligation à la France (et à d’autres pays tels l’Allemagne) de définir une nouvelle politique –sans remettre en cause pour autant son amitié traditionnelle avec l’Amérique-.